Souvenirs de l' Unposter Page 19

Dire aurevoirs aux brebis 

Crédit photo : R.Venet


 Et oui, il était temps de dire au revoir à nos amis les brebis.

Comment cela s’est-il organisé ? J’ai de très vagues souvenirs de cette période de mon enfance. Je pense que je devais n’avoir même pas cinq ans.

Quelques images me reviennent de temps à autres. Mais, comment mon grand-père avait pris cette décision, je ne peux que faire appel à mon subconscient.

Je très bien ce que vous vous dites, mais pourquoi, il veut nous parler de l'arrivée des brebis à Virigneux. 
Cela n'a rien à voir avec le titre de cette page ... il est vrai qu'il n'y a pas de lien avec mon titre. Mais quoique, attendez de lire la suite ! 

Oui, souvenez-vous, des dizaines de discussions avaient souvent lieu concernant ses petites bêtes à quatre pattes. Les crottes, leurs façons malicieuses de se frotter aux caravanes et j'en passe !

Peut-être, j’émets une possible hypothèse …

À force de dispute, entre mes oncles et mes parents avec grand-père, ce dernier aurait-il pris la décision individuelle, ou bien encore collective, de mettre fin à ce partenariat animal.

Je pense que les choses se sont ainsi passées.
Je vois très bien mon grand-père s’emporter, et radicalement, poser sur la table des négociations afin de contacter le propriétaire des belines; afin de mettre fin à ce contrat. 
Crédit photo : R.Venet
La maison familiale de Virigneux 

La grande maison familiale de Virigneux ne disposant pas de téléphone. Vous vous doutez bien, qu’à cette époque, pas de smartphone où tout autre gadget de ce genre n’existait.

Il y avait bien, juste à côté de la croix de mission, une cabine téléphonique. Fonctionnait-elle ? Peut-être, mais en réfléchissant un instant, je ne pense pas.
Je revois également, un téléphone de couleur noire chez madame Mat’lin.
Il était là, accroché sous l’escalier de bois qui menait aux étages supérieurs de l’épicerie.

Madame Mat’lin, une personne formidable, d’une gentillesse incroyable. Elle était propriétaire de la petite épicerie, juste en face de la maison familiale de Virigneux.
Crédit photo : R.Venet
À qui sont ces moutons ? 

Une image m'apparaît, je revois très bien notre grand-mère habillée de son tablier traverser le carrefour pour aller chercher quelques friandises ou autres courses.
Une fois ces courses faites, mamie les mettait dans son tablier en guise de sac.

Mais, je ne vois pas mon grand-père, demander une quelconque autorisation pour passer un appel téléphonique.

Pourquoi me diriez-vous ?

« Tout simplement, mon grand-père avait en horreur les téléphones »
« Et, il faut bien l’avouer, mes grands-parents étaient d’une autre époque »

De plus, le propriétaire des brebis avait-il une ligne de téléphonique, encore moins sûr ? Mystère !

Il fallait donc que papi voie cette personne directement, en face à face.
Les vendredis étaient les jours de marché à Chazelles sur Lyon. À vrai dire, cela l’est également aujourd’hui.

Lorsque les quartiers d’été étaient pris à Virigneux, mon oncle Dédé et Monique, accompagnés de Mamie Saphir s’y rendaient très souvent, pour y faire les courses. Ils achetaient le nécessaire pour tenir la semaine.

Le marché de Chazelles se tenait sur la place Poterne. Une place en plein centre de la ville. Tout autour, des bistrots où se retrouvaient les curieux de passage, et les villageois qui, bien sûr, faisaient leurs achats.

Le marché était, après celui de Montbrison, l’un des plus importants de la région.
Il ne manquait pas grand-chose pour trouver son bonheur.

Les légumes vendus par les maraîchers, des bouchers-charcutiers, et bien sûr des vendeurs de vêtements en tout genre.
Il ne faut pas l’oublier, un vendeur de casquettes et de chapeaux ; Chazelles sur Lyon oblige, la capitale mondiale de la Chapellerie. 
Était aussi présent, quelques camelots offrant des « babiolleries ».
Mon grand-père avait quant à lui pris rendez-vous avec ledit propriétaire des brebis.

Comme vous pouvez l’imaginer, la rencontre pouvait avoir lieu au PMU, à l’angle de la place Poterne.
L’occasion de revoir et discuter avec la famille, les amis et de rencontrer le propriétaire, le lieu idéal.

Je pense que cette affaire a été décidée ainsi. Autour d’un verre de vin, dans le brouhaha du café, tant l’affluence des jours de marché était importante.
Cependant, on ne savait pas, moi et mes cousins, lors de ces « négociations » ; il serait pris la décision de donner l’agneau à mon grand-père.

Qu’allait-il faire de l’agneau !

Nous les petits, on ne savait rien de ce qui était en train de se préparer.

Puis, un jour, les adultes commençaient à s’animer. S’animer n’étant pas tout à fait le terme exact.

Il régnait une atmosphère étrange.
Même Mamie Chazelles était bizarre. Mes oncles, et, plus particulièrement Paul, faisaient d’étranges blagues à Mamie. Il faut bien avouer que mon oncle aimait beaucoup taquiner sa maman.

Mamie Chazelles avec Sébastien Philippe en train d'équeuter des haricots 


Comme il disait, la mère regarde !
Mes cousins et moi étions mis de côté. Mamie, elle, comment dire, elle était dans tous ces états. Jamais je n’avais vu ma grand-mère inquiète de la sorte.

Mamie nous disait sens cesse de rester auprès d’elle, qu’il ne fallait surtout pas aller vers la petite porte qui donnait sur la cour intérieure ; la porte de derrière, comme le disait souvent Papi.

Mais qu’est-ce qui pouvait bien se passer derrière cette porte, dans la cour ?
Je me revois en train d’essayer de me faufiler vers ladite porte. Mais, Mamie veillait, elle nous surveillait ; comme du lait brûlant sur le feu !

Néanmoins, nous étions tellement nombreux à surveiller, qu’il ne lui était impossible de tous nous canaliser. De plus, nous, les petits, nous étions tellement polissons ; que nous avions fini par voir, ce qui se passait dans cette fameuse cour.

Il faut dire qu’il régnait un sacré capharnaüm ! Les brebis bêlaient si fort que même le curé devrait les entendre de son église.
Mes oncles et papi s’affairaient dans tous les sens. Étant tout petit, je ne me souviens plus clairement qui, bêlait le plus fort !

« Les adultes, ou les belines ! »

Je revois mon oncle Paul et mon papa dire à Mamie :

- La mère, regarde comme on va se égaler !
 
Mon grand-père, était dans tous ces états voyant mamie qui se mettait en colère, devant les petites moqueries de ses enfants.
Il disait :

- Quoi, comment ça ! « Oubapalaza » en patois Chazellois. Ce n’est pas rien possible !

Mamie ne se laissait pas compter, elle lui répliquait :

- Vous n’êtes pas gentils, qu’est-ce qu’elles vous ont fait les belines ? 

- Ce n’est pas Dieu possible, vous n’allez pas faire ça, ces p’tite bêtes … ho mon Dieu ! 

Aujourd’hui en vous écrivant ces quelques lignes, je me rends compte que mamie était vraiment très en colère. Je crois que jamais je ne l’avais vu de la sorte.

Souvenez-vous, nous étions des petits enfants. Je vois très distinctement Fred verser des larmes. Oui, Fred était triste comme nous tous. Mais les larmes versées étaient plus de la colère.

Fred disait aux adultes :

- Vous êtes tous des salaups. 

Là, il ne me fallut pas longtemps pour comprendre. Les adultes allaient abattre les belines. Enfin, je croyais que les deux brebis allaient être tuées.

En faite, encore aujourd’hui, je n’ai pas la réponse à cette question. Toujours, est-il, qu’une beline allait être tuée.
Comme je vous l’avais déjà expliqué, les brebis bêlaient très violemment.

Nous, les petits étions dans la cuisine, sous la protection de mamie Chazelles.
Puis, en un seul instant, plus un bruit. Plus de bêlements, un silence, si je puis dire, de mort.

Mes oncles, mon père et grand-père, avaient mis fin aux jours de la beline.
Oui, ils avaient réussi, tant bien que mal, à l’attraper.

Je revois très bien, la brebis pendue par ses pâtes arrière accroché au cerisier. Elle avait été écorchée, dépouillée de sa peau par mon grand-père. 
Elle était là, accrochée aux branches du cerisier.

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