Les histoires de Mamie Chazelles "Le feu follet"
Le feu follet
Auteure Marie-Antoinette VENET
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Un petit moineau de St Médard |
La petite maison, dans ce hameau perdu, avait pour nom le « feu follet » pourquoi ? Personne ne le savait, les derniers habitants étaient morts depuis longtemps ; un neveu résident au village avait hérité de la maison, son jardin attenant, et un petit pré. Le neveu s'était marié ; et s’en était allé habiter en ville où il travaillait dans une fonderie ; deux enfants étaient nés de cette union Paul et Jeanne ; la maman de santé fragile s’étiolait dans leur petit appartement sous les toits ; quand arrivait la période des vacances, ils partaient dans leur petite maison « au feu follet ». Les enfants étaient si heureux de pouvoir jouer librement dans leur petit bois proche, et les parents connaissaient le bonheur, de se retrouver chez eux, pêcher le goujon dans la rivière, manger les légumes du jardin, les fruits de leur verger.
Un jour maman dit :
« et si nous restions à « feu follet » tout le temps Jean ?
Oui, oui ! s’exclamèrent les enfants, mais le papa répondit :
« Ce n’est pas raisonnable, comment pourrions-nous, la ville est à cinquante kilomètres pour me rendre à mon travail ; c’est déjà bien que nous puissions venir aux vacances.
Un soupir de désappointement ! de maman et des enfants.
Et la vie reprit son cours normale, le papa le soir depuis quelque temps était préoccupé.
Jean ! Tu as du souci ? demandait Alice la maman.
Non ! répondait-il évasivement, mais sa femme comprenait bien qu’il y avait quelque chose.
Tu n’es pas malade ? demandait-elle.
Mais bien sûr que non ! que vas-tu chercher là.
Mais un soir, Jean en rentrant avait un air sombre, sa femme apportant sur la table le repas compris que quelque chose s’était passé.
Elle dit aux enfants :
« Voulez-vous aller un moment dans votre chambre, je veux parler à votre papa.
Comme c’était des enfants obéissants, ils s’en allèrent sans poser aucune question.
« Allons Jean ! Maintenant, dis-moi tout ». Murmura, Alice.
Eh bien ! voilà, l’usine dépose son bilan et je serai au chômage ; Qu’allons-nous devenir, il était déjà difficile de joindre les deux bouts avec mon salaire.
Se prenant la tête dans ses mains, le papa restait anéanti. Alice reprit, tout de suite ! Eh bien ! j’ai une idée ! nous irons vivre au « feu follet », il y aura déjà une location de moins à payer ; le jardin nous donnera les légumes, le verger les fruits et nous achèterons deux lapins pour commencer, puis quelques poules, et nous aurons des œufs.
Ma pauvre Alice ! répondit papa ne fait si vite des beaux rêves pour te réveiller comme la Pierrette de la Fable.
Mais c’est raisonnable ce que je propose, s'exclama Alice.
Oui ! répondit Jean, évasivement, se sera peut-être la meilleure solution. Et c’est ainsi qu’ils arrivèrent un soir de novembre « au feu follet ».
La maison était humide et froide, l’été à la belle saison, pour les vacances elle avait un aspect beaucoup plus accueillante ; les enfants frissonnaient la maman après avoir déposé quelques paquets sur la table dit à Jean :
« Je vais vite faire du feu, il y a du bois dans la remise et nous serons mieux.
En effet, quand les flammes illuminèrent la pièce en crépitant dans la cheminée, une chaleur douce envahie la maison qui semblait sourire à la famille réunie, l’ami de papa qui avait avec sa camionnette effectué le déménagement, leur dit :
« Vous ne serez pas mal là, et tu sais Jean, dès que je serai quelque chose je t’avertirai »,
après avoir bu un petit coup et manger un casse-croûte que maman avait préparé Julien prit congé. Il se couchèrent tard, Jean et Alice ; depuis longtemps les enfants dormaient, l’économie du loyer serait le bienvenu, c’est sûr.
Les enfants iront à l’école au village, la ferme Rivoire est à cinq minutes et ils les emmèneront avec les leurs, je connais bien Marie, elle est très gentille dit Jean.
Ainsi s’organisa, la vie « au feu follet » pour les époux Roche.
La maison reprit un air de bienveillance, une fumée bleue s’échappait de la cheminée montrant que le feu était éclairé. Un jour Paul et Jeanne arrivèrent excités de l’école, la fille des fermiers Elodie les accompagnait, portant un panier, il y avait deux petits lapins à l’intérieur.
C’est pour vous dit-elle, maman vous les donne. »
Ainsi commença l’élevage des lapins, ensuite on acheta trois petites poules.
Au printemps, papa sema, planta, et avec les beaux jours revenu tout semblait plus facile, c’était vraiment des grandes vacances, mais hélas ! toujours pas de propositions de travail.
Et l’été passa, l’automne arriva, avec sa mélancolie, l’ami Julien, qui les avait déménagés, arriva un jour d’octobre.
« Jean, dit-il, je viens te dire que si tu veux ? l’usine est achetée par un certain monsieur, je ne sais plus le nom, un Allemand, je crois, et tu es sur la liste de ceux qui vont être convoqués ; pour l’ouverture, dans un mois. »
« Je serai obligé de trouver une piaule dit Jean à cette saison, je ne peux pas faire beaucoup de kilomètres, ma bagnole est à bout »
« Oui ! C'est un problème, mais il faudra y penser, tu sais, ne fais pas revenir la famille tout de suite, puis il faut du temps de trouver un appartement et si cette offre ne réussissai pas ! Mon frère a une chambre qu’il n’occupe plus depuis que son fils est parti à Paris, il pourrait peut-être te la louer pour te dépanner. »
Ainsi, fût fait, les choses se déroulèrent sans encombre et Jean retrouva son travail, dans de meilleures conditions mêmes Alice s’organisait avec les enfants, on a un chien maintenant dit Paul à son père qui arrivait en fin de semaine pour passer le dimanche avec sa famille, un berger allemand de trois mois déjà bon gardien, mais peu expert encore, on l’appelle Rudy.
Ah ! Très bien, et ainsi vous serez mieux en sécurité, c’est quand même loin de chez Rivoire et en cette saison la nuit est longue. Après avoir fini le repas du soir, les enfants dirent à leur père.
« Tu sais papa ! Le grand-père d’Elodie, il nous a raconté pourquoi, notre maison s’appelle « feu follet », je ne sais pas du tout, répondit papa.
« Et bien ! Voilà ! elle est très vielle notre maison, une des plus vieilles du village et, il y a très longtemps les bois recouvraient la totalité du Canton, peu de terres labourées et il y avait des loups qui venaient partout même au village, et alors ; les habitants se calfeutraient comme ils pouvaient à la maison de notre aïeul, ils avaient bien du mal à se protéger eux ; et leurs bétails, et un soir où les loups plus affamés sans doute que d’habitudes tentaient de pénétrer en nombre dans la cour, une chose extraordinaire se produisit c’était la veille de Noël. »
Notre aïeul était un homme bon qui ne laissait jamais personne à la porte sans le faire rentrer et lui donner à manger et quelquefois, couché près du feu de la cheminée.
Donc ce soir-là, tous les habitants de la ferme priaient pour que se produise un miracle pour faire fuir les loups. C’est alors que l’on vit des lames de feu sortir de partout courant à ras le sol, bondissant et la horde des loups effrayés s'enfuient en hurlant, se perdant dans les bois où ce feu les poursuivait, sans rien brûler cependant, médusés, les gens de la petite ferme, dirent ; « c’est le miracle de Noël », le feu follet et la maison garda son nom, mais les personnes se souvinrent de ce fait qui avait étonné il y a si longtemps.
« Il en sait des choses le grand-père Rivoire, dit papa. »
« Oui, dit Paul et cette légende est très belle. »
Les semaines passèrent et dans quelques jours ce serait Noël ;
La maman s’activait à mettre la maison aussi accueillante que possible Marie la fermière, avait apporté un sapin, qu’il suffirait de garnir pour qu’il soit vraiment un arbre de Noël, je n’ai pas grand-chose, pensa maman, mais avec du papier doré du chocolat, je l’ai gardé voilà quelque temps, je ferais des guirlandes, les enfants seront contents tout de même et nous essayerons d’offrir un cadeau dans les souliers.
« Demain papa sera là, dit Paul. »
Et maman répondit
« Oui et il restera jusqu’à lundi puisque Noël est vendredi, c’est merveilleux. »
« Ho ! oui s’exclamèrent les enfants. »
« Couchez-vous tôt ce soir, dit maman. »
Demain, nous irons peut-être à la messe, elle n’est plus à minuit, mais à neuf heures ; et ensuite en rentrant nous nous offrirons un chocolat et un gros morceau de brioche que je vais faire pour cette occasion, Marie m’a donné la recette, tu sais comme elle est bonne la sienne.
Oh oui ! dirent les enfants tout joyeux ; après avoir soupé ils allèrent se coucher et fatigués de tous les préparatifs de fête nettoyage de la maison avec maman, ils s’endormirent très vite, maman finissait de ranger la vaisselle et ainsi un peu de repassage, le feu dans la cheminée n’était plus que braises rouges, la maman remis un morceau de chêne, qui s’enflamma tout de suite, projetant une multitude d’étincelles alentour.
Rudy tout heureux s’étirait devant la cheminée, soudain il se redressa les oreilles droites aux aguets, grognant sourdement.
« Qui y a-t-il ? Mon bon Rudy dit maman au chien qui se dressait brusquement. »
Alors maman entendit des pas dans la cour j’avais pourtant fermé, dit-elle le portail et alors ! On frappa à la porte.
Alice n’osait pas faire un mouvement, alors une voix connue se fit entendre ;
« C’est moi ! »
C’était Marie, elle rentra en disant, il est déjà tard, mais je vous apporte une brioche toute chaude ;
Marie resta quelques instants, elle dit à Alice ;
« Le brouillard vient, il est tout près, heureusement votre mari ne rentre que demain. Car il aurait eu du mal sur la route. »
« Oui ! Répondit Alice, et il sera là pour trois jours, nous passerons Noël en famille. »
Marie partit, en disant à Alice ;
« Voyez comme il rampe ce satané brouillard, l’on ne voit plus le portail, vous ne l’aviez pas fermé. »
« J’avais dû l’oublier, répondit Alice. »
Elle ferma derrière Marie et rentra vite dans la maison, ce brouillard humide était si froid que l’on appréciait davantage la cheminée avec son feu, ses flammes qui lançaient des étincelles, comme un feu d’artifice ;
Je vais attendre un peu avant de me coucher, que le feu soit éteint, elle mis à chauffer du lait avec un peu de café, cela me réchauffera et puis, je vais couper un petit morceau de brioche, pour satisfaire ma gourmandise. Demain, j’en ferai une autre, j’ai la recette et tous les ingrédients qu’il faut.
Le feu ne serait bientôt plus que braise. Alice, avait dégusté avec délice son café au lait, la brioche dorée et s’apprêtait à aller rejoindre les enfants dans la chambre.
« Déjà onze heures, murmura-t-elle. »
La nuit sera froide, prions Dieu qu’aucun malheureux ne sera dehors, et elle se signa. Le chien Rudy se leva, d’un bond, le poil hérissé, et se mit à grogner méchamment.
« Qu’as-u ? Mon bon chien ? »
Mais il était déjà vers la porte aboyant furieusement ;
Alors Alice eut peur, a cette heure qui pouvait bien venir ?
Il fallait connaître un peu, la route était au-dessus la ferme Rivoire, et ce n’était qu'un petit chemin de terre rendu carrossable pour arriver jusqu’à chez eux ;
Elle n’osait bouger, mais quand on frappa violemment à la porte, des coups, comme pour enfoncer le penne et en même temps aux volets qui ne résisteraient pas longtemps ;
Que pouvait-elle faire ?
Seule pauvre femme avec deux enfants, qui se réveillèrent en appelant leur mère ;
Elle se rappela alors de la légende contée par Paul concernant la maison et de tout son cœur demanda à Dieu de lui venir en aide, ce serait son plus beau cadeau de Noël ;
Les volets commençaient à craquer, la porte aussi, alors le miracle qui avait chassé les loups autrefois se reproduisit devant les yeux épouvantés d’Alice et des deux enfants qui étaient venus la rejoindre.
Des lames de feu, semblant sortit de la cheminée traversèrent la maison, passant sous la porte, partant de tous les côtés la fenêtre fût investie et l’on entendit de grands cris dans la cour qui semblait en flammes, le chien s'était tu et venait près de ses maîtres en gémissant faiblement. Alice prenant son courage à deux mains, comme le dit le proverbe, ouvrit la porte, le brouillard était dissipé, personne dans la cour, mais sur le chemin, une voiture démarrait en trombe ;
L’on mit très longtemps à trouver le sommeil dans la famille Roche. Ce fût qu’aux premières lueurs du jour que la maman s’endormit ;
Et vers neuf heures le matin, les enfants réveillés se remémoraient les événements de la nuit, où ils avaient été les spectateurs de cette chose fantastique.
« Le feu follet », c’était bien vrai. La maman se leva à son tour et prépara le déjeuner ;
Ils étaient justement mangeant la brioche avec ravissement quand Marie arriva :
« Oh ! Que j’étais inquiète pour vous, dit-elle. »
« N’avez-vous rien entendu cette nuit ? »
Les gendarmes qui poursuivaient une voiture où quatre jeunes dévoyés, ayant volé à plusieurs endroits, avaient disparu aux abords de notre chemin ;
Les gendarmes s’engageaient alors sur le chemin quand ils virent venir une voiture à toute allure, qui ne pouvant passer vu le chemin trop étroit se retrouva dans le fossé. Ils n’eurent qu’à passer les menottes à ces voleurs, où à l’intérieur de la voiture, on retrouva des autoradios, des bouteilles de vin, apéritifs, victuailles diverses, de l’argent dans un porte-monnaie et un portefeuille qu’ils n’avaient pas eu le temps de jeter ;
Mais ces jeunes ne savaient plus ce qu’ils disaient, les gendarmes pensent qu’ils étaient drogués, effrayés, ils répétaient ;
« Sauvons-nous, sauvons-nous »
Il y a le feu dans cette maison, ce n’est pas nous qui l’on mit, on n’y est pas rentré, nous avouerons tout, mais pas le feu, l’incendie ce n’est pas nous. L’un deux disait, c’est la première fois que je vais avec eux, cela nous a porté malheur, c’est la veille de Noël.
Alice ne voulant pas faire de la publicité sur cette affaire, aussi répondit-elle :
« Nous dormions tous, on n’a rien entendu. »
Mais le grand-père Rivoire qui avait suivi Marie dit :
« Vous avez été sauvé par « Le feu follet », j’en suis sûre, vous n’avez peut-être rien entendu, mais le miracle de Noël c’est lui. »
Quand Jean arriva le soir, les enfants étaient excités, maman leur avait dit, ne dites rien à papa, il se ferait du souci.
« Oui répondirent-ils ?
Mais Paul ne pût garder ce secret et s’approchant de son père, il lui dit à l’oreille.
« J’ai vu le feu follet ? Tu sais qu’il fait fuir les voleurs. »
« Allons ! dit le papa ! Cette histoire t’a tourné la tête. »
« C’est vrai ! demande à Jeanne. »
Maman avait bien fait promettre de ne rien dire, le papa appela Jeanne qui était dans la cour :
« Dis-moi Alice, as-tu vu Feu follet toi aussi ? »
Elle regarda les deux enfants, avec air courroucé, ce n’est pas moi :
« Dis Jeanne ! C’est Paul ! Qui est tellement bavard et il ne sait pas garder un secret. »
Alors Alice expliqua toute l’histoire et comment les gendarmes avaient emmené les jeunes délinquants, les croyants drogués d’après leur récit d’un incendie imaginaire.
Le papa écoutait sans rien dire, et au bout d’un moment de silence, il dit :
« Remercions Dieu de cette intervention divine qui vous a sauvé des mains de ces voyous, mais qui les aura peut-être sauvés eux aussi. »
Les jeunes actuellement sont entraînés dans un tourbillon de folie destructive, « oisifs pour la plupart chômeurs en sortant de l’enfance avec aucune perspective d’avenir ». Et à côté, la société de consommation qui offre à leur convoitise tout ce dont ils peuvent rêver, ne pouvant se l’offrir, il vole.
Autrefois, la morale était enseignée dans la famille, à l’école, maintenant la famille n’a plus le temps, père et mère travaillent, l’école on enseigne « Tu comprends, c’est bien, tu ne comprends pas tant pis pour toi. »
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