Les histoires de Mamie Chazelles "Au frontière du passé"

 Aux frontières du passé

Auteure Marie-Antoinette VENET 

Crédit photo : R.Venet
Mamie Chazelles devant ses diplômes de poésies

 La sœur de mon amie est une vieille personne, alerte pour son âge et qui a gardé toute sa lucidité et son intelligence. Sa conversation est agréable et, pour flatter notre gourmandise, elle confectionne des tartes délicieuses et aussi des brioches.

Ce jour-là, nous étions jeudi, jour de visite chez la vieille dame. Elle nous reçut, comme toujours, avec toute sa gentillesse. Bientôt la conversation prit une note de confidence et la vieille dame nos conta ce que personne n’avait cru à l’époque, quand elle était une petite fille de sept ans à peine et qu’elle était placée chez des paysans comme bergère. Ses parents étaient pauvres et avaient une nombreuse famille. Les paysans qui l’occupaient n’étaient certes pas méchants, mais rustres. C’était la coutume, garçons ou filles, bergers couchaient avec leur troupeau, à l’étable. La vieille dame, dodelinant de la tête, les yeux perdus dans un rêve lointain, nous conta son aventure.

« Je couchais donc à l’étable, une grande étable où les vaches dégageaient une chaleur douce en hiver, mais parfois insoutenable l’été"

J’avais peur, comme peut avoir peur une petite fille de mon âge. Je me cachais sous la couverture. Il y en avait qu’une, le matelas était une paillasse. 

Souvent des insectes couraient autour de moi. Des araignées. Oh ! mon Dieu que j’en avais peur ! des grillons, un peu de tout. 
Les animaux remuant leurs chaines faisaient un bruit qui se répercutait et s’amplifiait à mes oreilles d’enfant. Le patron m’accompagnait jusqu’à ma couche avec sa grosse lanterne. 

Quand il avait disparu, me laissant seule dans le noir, j’enfouissais ma tête sous la couverture, tremblante de peur et de froid. Je m’endormais souvent épuisée au matin. Ce soir-là, je ne saurais dire l’heure, car, bien entendu, je n’avais pas de montre, j’ouvris les yeux parce qu’une lumière aveuglante m’obligea à le faire, et ce que je vis me cloua de stupeur. 

Il n’y avait plus de vache, mais une grande table était dressée, avec une nappe blanche et des couverts si beaux que je n’en avais jamais vu de semblables. Des hommes vêtus de noir conversaient bruyamment et riaient d’un gros rire. 
À leur ceinture pendait une épée. Je n’en croyais pas mes yeux, me les frottant pour bien voir que je ne rêvais pas. Bientôt, j’entendis le bruit d’une charrette et la porte s’ouvrit, livrant passage à d’autres hommes en habits royaux, accompagnés de dames en robes longues. 

Était-ce un bal masqué ? Je ne connaissais rien que ma vie de petite fille pauvre, misérable. 

Tous ces gens se mirent à table et mangèrent des plats succulents, apportés par des cuisiniers. Puis, soudain, tout disparut.

L’étable devint noire et les vaches en remuant firent entendre leur bruit de chaines. Je m’endormis au petit matin et fus réveillée, trop tôt à mon gré, par mon patron qui me dit : 

« Alors on se lève pas aujourd’hui ? Debout ! il faut emmener le bétail au pré de la rivière » 

Titubant comme une personne ivre, je me vêtis à la hâte, n’ayant que ma robe usagée à enfiler et les sabots à chausser. J’avalai mon déjeuner : un peu de lait, du pain bis. 

On me donna un morceau du même pain et un bout de fromage. La patronne, un peu plus tendre, me dit : 

« Alors, Marie, tu es toute drôle ce matin. Tu es malade ? » 

Je baissais la tête sur mon écuelle, n’osant rien dire, et je partis avec le troupeau.

La journée se passa sans encombre. Au repas, je n’étais pas habituée à parler. Les maitres seuls avaient la parole, causant de leurs travaux, de quelques nouvelles apportées du village. 
Le soir revint après un repas, comme chaque jour, plus que frugal. J’emportai au fond de ma poche un petit quignon de pain et une pomme glanée sur l’herbe, un peu véreuse, mais qu'importe ? 
L’ombre épaisse m’enveloppa. Je ne pouvais trouver le sommeil. J’attendais, tout mon être tendu vers cet événement que j’espérais et appréhendais aussi. 

Lasse, harassée de fatigue, je m’endormis, sans avoir touché à ma pomme ni à mon pain. 

Le matin, un peu déçue, je me dis : 

« Tu avais rêvé ces beaux messieurs et ces belles dames »

Je me réveillai tôt, partis en chantonnant une vieille chanson que ma grand-mère m’avait apprise. Le soir, je me couchais comme à l’accoutumée et je m’endormis très vite. 

Mais voilà qu’au milieu de la nuit la même scène recommença. Une lumière aveuglante m’éveilla. M’asseillant sur mon céans, je revis la même table, les mêmes hommes vêtus de noir. 
Le défilé des belles dames et des beaux messieurs commença dans le brouhaha. Je me pelotonnais dans un coin du lit, osant à peine entrouvrir mes paupières, les couvertures ramenées jusqu’au menton.

Soudain, une main toucha mon front, une main glacée ! Malgré les années passées depuis cet événement, je n’en ai pas oublié le contact. Ce qui suivit fut d’une rapidité inconcevable. Je me sentis entrainée dans un tourbillon. Vêtue d’une belle robe, je pris part au repas comme dans un rêve, et l’on me convia à prendre place dans un carrosse où deux superbes chevaux ... 

R.Venet : 
Malheureusement je n'ai pas la suite, sans prétention aucune, j'essaierai de faire une suite.

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